Discours d’ouverture de la Cérémonie

 

Nous voilà réunis au Mémorial de Montluc pour la troisième édition de la remise du Prix Montluc Résistance et Liberté.

Merci d’abord à vous qui êtes là parce que vous croyez que les principes même de liberté et de résistance sont, et aujourd’hui plus que jamais, la bannière qui rassemble ceux qui croient que le monde est à construire.

Dans les périodes de grands tremblements de l’histoire, et le moment présent en est une en raison notamment de la révolution numérique, du changement climatique, des phénomènes migratoires, de l’émergence de l’intelligence artificielle, il y a toujours ceux qui croient qu’hier c’était mieux, entre soi, sans les autres, et qui sont prêts à défendre l’avant et l’exclusion des autres quel qu’en soit le prix. Il y aussi ceux qui croient, et l’avenir leur appartient, qu’il leur revient de construire le monde.

Mais le monde de demain, celui qui est déjà là, ne saurait être celui de l’avènement de la dictature de quoi et de qui que ce soit, comme cela se passe dans un certain nombre de régions de notre monde et les exemples ne manquent pas sur tous les continents.

Oui, construire le monde en pensant, en agissant contre les oppressions, en croyant et en poursuivant la liberté, en acceptant et en valorisant les résistances à l’impensable : c’est cela la tâche qui nous incombe.

Merci donc à vous qui êtes là, merci de croire à cela, et peut être d’être-là parce que vous croyez à cela.

 

Merci aussi à ceux qui ont rendu ce prix possible aujourd’hui et depuis 3 ans. Nos mécènes, et je n’en citerai que quelques-uns, Serge Dassault, la Fondation Fiminco, Vinci, Cofely, la DRAC, les Galeries Lafayette…

Merci aussi à l’administration du Mémorial, Aurélie Dessert et ses collaborateurs.

Merci aux personnalités qui sont ici, au premier rang desquels, notre Préfet, mon ami Pascal Mailhos mais aussi aux derniers survivants passés par Montluc et dont la mort n’a pas voulu.

Un mot sur le jury et son Président Jacques-André Bertrand qui n’a pu être avec nous, pour raisons de santé ; mes pensées vont vers lui.

Un mot enfin pour Jean-Olivier Viout, ancien Procureur général de Lyon et Colette Grivaud, la trésorière de notre association, tous deux infatigables défenseurs du Mémorial « Résistance et liberté » à Montluc.

 

C’est une évidence d’hier et d’aujourd’hui ! Notre République et au-delà d’elle notre espace européen, sont les enfants de cette immense tragédie inhumaine que fut la domination nazie sur le monde au milieu du 20ème siècle. Montluc est un des lieux symboliques de la Résistance à ce régime et à ces actes odieux, lieu symbolique du courage absolu, de l’engagement, mais aussi de la souffrance et de la mort.

Ce prix, ces prix sont là pour ne pas oublier, pour rendre un hommage fort aux hommes et aux femmes, juifs, résistants passés ici, unis non pas pour rester simplement dans nos cœurs mais afin qu’ils soient encore au monde, afin d’être ceux qui aujourd’hui encore construisent le monde, parce qu’ils tracent la voie à suivre pour les artisans de paix, de liberté et de fraternité.

 

Ce prix, ces prix « Montluc Résistance et Liberté » en distinguant des créations d’aujourd’hui font revivre les héros de courage et de mort, tout autant qu’ils veulent aider aux combats des résistants actuels partout dans le monde, en Asie, en Afrique au Moyen Orient et ailleurs. Chaque fois qu’une femme ou un homme lutte pour la liberté, il participe à la création du monde, c’est-à-dire de notre vie.

Dans le jury de ce prix, il y a une grande dame qui n’a pu être là cet après-midi, c’est Simone Schwarz-Bart, écrivain et femme d’André aujourd’hui décédé ; il fut l’une des rencontres parmi les plus fortes de ma vie. Je voudrais en cette occasion lui rendre, leur rendre un hommage particulier parce qu’ils incarnent, me semble-t-il, par leur vie et par leur œuvre, le chemin de résistance et de liberté dans notre République, ici en France et dans le monde.

Lui, André, petit juif émigré de l’Est de l’Europe, fuyant l’oppression, seul rescapé des camps parmi toute sa famille, lui qui dans le sud-ouest a pris les armes dans les réseaux de résistance et a participé à la libération de la France.

Elle, Simone, dont la vie fut et reste encore un combat pour la place et l’émancipation de la femme noire dans notre pays. Il y a 2 jours, le Président de la République remettait à Maryse Condé, la Grand-croix de l’ordre national du mérite ; je les associe toutes les deux dans ce combat de l’émancipation des femmes noires, dans ce combat par la littérature.

Et puis il y a ce couple qui nous disaient que la lutte contre l’oppression nazie est la même que la lutte contre l’esclavage d’hier et d’aujourd’hui, que cette lutte est éternelle et que la mémoire du génocide juif résonne dans les conflits de Syrie, du Tibet ou d’Afrique. Ils nous disent que là où la liberté est violentée, niée, interdite, là où parfois il ne reste même plus les mots pour le dire, alors, là est notre espoir, là est notre devoir, là est la mulâtresse solitude, là est l’âme de ce qui ont été exterminés à Treblinka, Auschwitz, Sobibor, Ravensbrück ou ailleurs.

Voilà pourquoi, alors que nous allons distinguer ceux qui, par leurs créations littéraires ou artistiques, nous aident à ne pas oublier ceux qui luttent aujourd’hui dans le monde, je souhaitais dire à André et à Simone qu’ils sont toujours ma pensée et dire à vous qui êtes là que la culture et la création culturelle sont des armes essentielles et fortes, des armes efficaces pour la liberté et la résistance à l’oppression : André et Simone l’ont prouvé.

 

Cette année, c’est la troisième édition du prix Montluc dans sa présentation et dans sa forme, évoluée quelque peu, pour que le prix littéraire comme le prix de la création artistique soient plus visibles, mieux partagés et donc plus vivaces dans le monde tel qu’il est aujourd’hui désormais.

 

Nous avons donc essayé par ce moment, par une diffusion plus large des œuvres des créateurs et des auteurs distingués, par la programmation d’autres moments originaux, par la proposition de débats, de rencontres, tout au long de l’année, à Lyon comme à Paris, nous avons essayé d’aller à la rencontre du public dans ses soucis, dans ses envies actuelles. J’espère que nous réussirons.

 

Il temps maintenant de découvrir les récompensés, les nominés, tous ceux qui par leur création soutiennent les combats des opprimés de par le monde, honorent les combattants de la liberté, font de nous des membres de la famille des hommes Libres.

 

Pour finir, écoutons une fois en André Schwartz Bart :

Les particules s’assemblent et se dispersent au vent qui les pousse.

Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie.

Et loué. Autschwitz. Soit.Maidanek.

L’Eternel. Treblinka.

Et loué. Buchenwald. Soit. Mathausen.

L’Eternel.Belzec.

Et loué. Sobibor.Soit. Chelmno. L’Eternel.

Ponary.

Et loué. Theresienstadt. Soit. Varsovie

L’Eternel. Vilno.

Et loué Skaryzko. Soit. Bergen-Belsen.

L’Eternel. Janow.

Et loué. Dora. Soit. Neuengamme.

L’Eternel. Pustkow.

Et loué…

Parfois, il est vrai, le cœur veut crever de chagrin.

Mais souvent aussi, le soir de préférence, je ne puis m’empêcher de penser qu’Ernie Levy,

Mort six millions de fois,

Est encore vivant, quelque part, je ne sais où…

Hier, comme je tremblais de désespoir au milieu de la rue,

Une goutte de pitié tombe d’en haut sur mon visage ;

Mais il n’y avait nul souffle dans l’air

Aucun nuage dans le ciel…

Il n’y avait qu’une présence ».